
Qu’est-ce qui fait que des personnes intelligentes et parfois expertes dans leur domaine remettent continuellement à plus tard l’exécution de leurs projets ? Pourquoi tardent-elles tant à passer à l’action alors que tous les signaux sont favorables ? La procrastination peut nous tétaniser et provoquer des réactions hostiles chez les autres. Décryptage.
Tout d’abord je propose de changer le regard négatif que nous lui portons. En effet, parfois nous avons l’impression que notre collègue ou notre ami ne fait rien, alors que, immobile en apparence, il se débat à l’intérieur de lui pour trouver des solutions à ses problèmes. Parfois, le mot procrastination recouvre un processus de créativité qui peut être extrêmement lent. Qui n’a pas entendu parler du vertige de la page blanche ? Ces moments où nous devons rendre un rapport, préparer une performance sportive ou artistique, rédiger un courrier important et pendant lesquels, quoi que nous fassions, l’inspiration n’est pas au rendez-vous.
Alors, las de ces tentatives infructueuses, nous préférons remettre à plus tard, balayer la poussière sous le tapis de notre incapacité à passer à l’action. Dans l’un de ses romans, l’écrivain suisse Joël Dicker[1] décrit très bien comment son héros peine à écrire son second livre malgré les pressions de son éditeur qui supplie, relance, passe de l’exhortation au harcèlement, sans pour autant déclencher le mécanisme attendu !
Il se peut que ce temps, que nous jugeons inutilement long, soit justement l’espace dont nous avons besoin pour que notre projet mature à l’abri de l’action, où les idées n’ont pas encore pris forme mais sont en gestation et vont éclore quand le bon moment sera arrivé.
Pour certains, ce bon moment ne peut venir qu’à la dernière minute, la précipitation engendre alors un stress important qui peut faire effet de catalyseur ! Certaines personnes ne travaillent bien que sous pression et la procrastination devient pour elles un mode de fonctionnement.
Parfois le manque d’entrain est dû à un obstacle inconscient sur le chemin qui mène à la réalisation d’un projet. Mon client tardait à finaliser son dossier de candidature pour une promotion qui lui tenait pourtant à cœur. A travers le questionnement, nous avons découvert qu’une peur le bloquait et l’avons mise à jour : au fond de lui il craignait que ce nouveau poste l’accapare au détriment de sa vie de famille, et le fait de repousser sa candidature le protégeait de cet inconvénient majeur.
Au même titre que les autres saboteurs intérieurs[2], la procrastination vise surtout à se protéger de dangers – qu’ils soient réels ou supposés. Tout en reconnaissant l’intention positive qui la sous-tend, la personne qui souhaite s’en libérer pourra commencer par vérifier si son objectif[3] est vraiment adapté, s’il n’est pas décourageant à force d’être exigeant, puis poser de toutes petites actions, l’une après l’autre, en évaluer les résultats et poursuivre en cheminant pas à pas vers plus d’initiative et de liberté.
Photo Magnet.me
[1] La vérité sur l’affaire Harry Quebert, Joël Dicker, 2022, édition Le Fallois l’Âge d’homme
[2] Voir mon billet de blog un saboteur vit en moi
[3] Un prochain billet de blog traitera de l’écologie de l’objectif